«Toutes les mauvaises nouvelles sont déjà tombées. À l’avenir, on annoncera seulement des bonnes nouvelles», soutient Jean-Paul Giacometti, analyste financier agréé et vice-président de Gestion de placements Claret, à Montréal. Si le gouvernement Harper est défait lorsqu’il déposera son budget, les mesures présentées par son ministre des Finances Jim Flaherty pourraient mourir au feuilleton. Il faudrait alors retourner à la case départ. Et si un éventuel gouvernement libéral dirigé par Stéphane Dion prend le pouvoir, «peut-être instaurera-t-il une clause grand-père pour les fiducies qui existent depuis un certain nombre d’années», note Jean-Paul Giacometti. Leurs bénéfices demeureraient donc exemptés d’impôt, comme c’est le cas aujourd’hui.
Quant à la chute des cours, le phénomène pourrait n’être que temporaire. «Beaucoup de fiducies ont récupéré une partie de leurs pertes boursières. D’ici 2011, peut-être que tout le chemin sera repris», indique Hélène Simard, associée en fiscalité au cabinet Demers Beaulne. Mme Simard fait remarquer que le projet de loi du ministre conservateur Jim Flaherty ne vise pas les fiducies de placement immobilier. Cette dispense a eu pour effet de leur donner un coup de pouce en Bourse. Par exemple, les parts du fonds Cominar, la plus importante fiducie immobilière au Québec, se négociaient autour de 20,50$ au début de novembre. Au moment d’écrire cet article (février 2007), leur prix dépassait les 24$. Si l’on ajoute à ce gain le rendement des distributions (environ 5% par année), on a là un produit financier digne d’intérêt.
Remplacer par quoi?
N’empêche, la situation actuelle laisse songeur. Si le projet de loi est adopté tel que présenté, des milliers de retraités vont écoper. En effet, puisque les fiducies de revenu seront frappées d’un impôt d’environ 32%, c’est autant d’argent que, logiquement, elles ne verseront plus à leurs porteurs de titres. Dix mille parts d’une fiducie qui paie des distributions annuelles totales de 0,96$ rapportent, aujourd’hui, 9 600$. Si ces distributions sont réduites du tiers, ce n’est plus que 6 400$ que vous toucherez.
Voilà pourquoi des milliers d’investisseurs ont choisi de liquider leurs titres. Avec le produit de cette vente, plusieurs d’entre eux ont opté pour les actions des grandes banques canadiennes. En effet, celles-ci versent, année après année, un dividende qui ne cesse de s’apprécier. Ainsi, à la Banque Nationale, le dividende trimestriel est présentement de 0,54$ par action, en hausse de 13% par rapport à celui de l’année précédente. Autre exemple: au cours des 6 dernières années, la Banque Royale a presque triplé son dividende annuel, qui est passé de 0,60$ par action à 1,60$.
Encore un choix sensé
Encore un choix sensé
Bien que cette solution soit intéressante, des experts et des organismes persistent à dire que des placements dans certaines fiducies de revenu demeurent toujours un choix sensé. En novembre 2006, l’association des comptables agréés du Canada déclarait : «Compte tenu de la décision du fédéral d’exempter jusqu’en 2011 les fiducies en existence du paiement du nouvel impôt sur les distributions, les fiducies de revenu actuelles pourraient encore générer des rendements supérieurs pour les investisseurs au cours de la période de transition.»
Jean-Paul Giacometti ajoute que les bonnes fiducies continueront à se développer et à verser des distributions sur une base régulière. En outre, les investisseurs pourraient réaliser des gains grâce à l’augmentation du prix des parts à la Bourse. Il recommande trois titres. Le premier, OFI Income Fund, est une entreprise ontarienne qui commercialise de l’isolant pour les maisons et les bâtiments commerciaux. Rentable depuis les 23 dernières années, OFI Income Fund verse une distribution mensuelle de 0,104$ par part, soit 1,25$ sur une base annualisée.
Le second choix de l’expert porte sur Keystone North America. Cette fiducie floridienne exploite 180 salons funéraires aux États-Unis et en Ontario. «Ce n’est rien d’excitant comme business, mais c’est stable», commente Jean-Paul Giacometti. Évidemment, en investissant dans un titre américain, on s’expose aux variations des taux de change. «Mais Keystone a gelé son taux de change jusqu’en 2010. Les investisseurs canadiens sont donc à l’abri des fluctuations de la valeur des devises.» Cette arme est à double tranchant, toutefois. En effet, si le dollar américain se mettait à s’apprécier considérablement par rapport à notre huard, vous n’en profiteriez pas. Keystone verse une distribution mensuelle de 0,083$ canadiens par part, ou environ 1$ par année.
Enfin, Jean-Paul Giacometti attire notre attention sur Parkland Income Fund, qu’il compare à un Alimentation Couche-Tard «en miniature». Parkland exploite un réseau de 550 dépanneurs et de stations-service dans l’Ouest canadien. Au lendemain de la décision du fédéral d’imposer les fiducies de revenu, le prix de la part de Parkland a subi une dégringolade, mais il a récupéré le terrain perdu. Depuis janvier 2007, Parkland verse une distribution mensuelle de 0,24$ par part, soit 2,88$ par année.
Quatre ans pour un plan B
Au moment de mettre sous presse, le Comité permanent des finances de la Chambre des communes tenait des audiences spéciales sur les fiducies de revenu. Le Bloc québécois, le Parti libéral du Canada et le Nouveau Parti démocratique sont d’accord avec le principe de l’imposition. Les deux premiers souhaitent toutefois que la période de transition s’étende, comme aux États-Unis, sur 10 ans au lieu de 4.
Le ministre Flaherty a rejeté cette demande, précisant qu’elle coûterait environ 3 milliards de dollars au Trésor fédéral et qu’elle entraînerait des coûts pour les provinces. «Je ne suis pas disposé à sacrifier les intérêts de millions de Canadiens qui travaillent fort, qui paient leurs impôts et respectent les règles, pour qu’un groupe restreint aux intérêts spéciaux bénéficie d’un congé fiscal», a-t-il déclaré.
Reste à voir si le gouvernement Harper réussira à se maintenir au pouvoir et à faire adopter son budget 2007-2008. Si oui, rien ne sera plus pareil dans l’univers des fiducies de revenu à compter de 2011. En décembre 2006, un sondage de la firme comptable Deloitte indiquait que la majorité des professionnels de la finance estiment qu’il ne restera qu’à peine 50 fiducies de revenu en 2011. On en compte aujourd’hui plus de 250! Si vous avez perdu foi dans les fiducies de revenu, il vous reste quatre ans pour mettre en place votre plan B.
L’impact sur vos revenus
L’impact sur vos revenus
Le tableau ci-dessous montre ce qu’il advient d’un profit de 1 000$ avant impôt généré par une fiducie de revenu et par une grande entreprise à capital-actions cotée en Bourse.
Aujourd’hui, hors REER. La fiducie de revenu vous verse tout le profit de 1 000$, car elle n’a pas d’impôt à payer. Vous, oui: votre facture fiscale sera d’environ 46% (taux moyen au Canada). Il vous restera donc 540$. De son côté, le profit de 1 000$ de la grande entreprise sera imposé à la source à hauteur de 32%, ce qui lui laisse 680$ à verser en dividende. Une fois que vous aurez acquitté votre part d’impôt (en tenant compte de la majoration du dividende et de l’application des crédits qui sont consentis), il vous restera 540$ ici aussi. D’un point de vue fiscal, investir dans une fiducie de revenu ou une grande entreprise à capital-actions revient au même dans un compte non enregistré.
Aujourd’hui, REER. Ici, l’avantage de la fiducie de revenu est évident. Comme l’impôt que vous devez payer est reporté, vous touchez l’intégralité des 1 000$ versés par la fiducie de revenu. Par contre, vous n’encaisserez que 680$ des dividendes que paie l’entreprise à capital-actions.
À partir de 2011. Si le projet de loi du ministre conservateur Jim Flaherty est adopté sans modifications, l’avantage fiscal dont jouissent les fiducies de revenu sera éliminé. Le fisc traitera les distributions et les dividendes de la même manière.
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Aujourd’hui
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À partir de 2011 |
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Fiducie
de revenu |
Grande
entreprise |
Fiducie
de revenu |
Grande
entreprise |
Hors REER* (1)
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540 $
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540 $
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540,50 $
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540,50 $
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REER
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1 000 $
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680 $
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680,50 $
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680,50 $
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Source : Demers Beaulne
Mise à jour: juin 2007
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