Le jardinier bienheureux

Le jardinier bienheureux

Par Caroline Fortin

Crédit photo: Chantale Lecours

Impossible de ne pas remarquer le terrain florissant de Michel Prince, un orthopédagogue retraité qui le bichonne depuis près de 45 ans.

Michel Prince avait 32 ans quand il a emménagé dans une coquette maison sur le boulevard Gouin, à Montréal, avec son épouse Danielle. Tout le terrain était alors recouvert d’une végétation que certains entre- tiennent de façon maladive, mais que lui n’apprécie pas particulièrement: du gazon.

Une visite chez ses beaux-parents français fait germer une envie. «J’ai découvert qu’on n’a pas besoin d’un immense jardin pour faire pousser beaucoup de fleurs.» Lopin par lopin, d’année en année, il retire la tourbe qui recouvre son terrain et sème. D’abord un potager composé de rangs de laitue, de plants de tomates, de haricots, de courgettes, etc. Puis des pivoines, des iris, des hémérocalles, des phlox, des tulipes, des bégonias, des anémones du Japon… Un ginkgo biloba, «pour souligner l’arrivée du nouveau millénaire», puis, un cornouiller, «qu’un oiseau a dû apporter».

Le tout devant la maison. Si les potagers en façade ont déjà défrayé la manchette au Québec, suscitant plaintes et parfois amendes, Michel Prince n’a jamais été inquiété, ni par la Ville ni par le voisinage. Au contraire. «Les gens s’arrêtent souvent pour me dire qu’ils trouvent mon jardin beau.»

Des racines profondes

Chez les Prince, originaires de Plessisville, on a toujours cultivé. «Mais pour la survie. Ma grand-mère partait ses semences en se servant d’anciens châssis pour créer un effet de serre, avec le soleil qui plombait dessus. Et mes parents ont toujours eu un grand jardin. J’en ai arraché, des mauvaises herbes! J’ai donc appris d’eux. Et de ma grand-mère maternelle, j’ai appris le respect du légume, l’art de le cultiver et de le récolter. Quant à l’amour des fleurs, il s’est développé avec ma femme.»

Chaque plant a son histoire. L’églantier vient de Notre-Dame-du-Portage, terre de ses ancêtres. Plusieurs proviennent d’amis. Les semences de laurier-rose ont été rapportées en douce de la France, du terrain des beaux-parents. Le clivia, une plante d’intérieur qu’il sort précautionneusement l’été, le couple l’a initialement découvert grandeur nature lors d’un voyage à San Francisco. L’hortensia lui a été offert par sa femme, décédée il y a quatre ans.

Le résultat est «un jardin biscornu composé au gré de mes fantaisies et de nos coups de cœur. Les encouragements de Danielle me manquent. Mais je l’entends parler de mon travail dans ma tête. Jardiner, c’est exigeant, mais c’est bon pour la santé. Et puis les fleurs font du bien à l’âme…»

Semeur de beauté

Parmi les compliments que le jardinier amateur de 78 ans récolte de la part des passants, certains sont immortels. Comme ce mot écrit dans une charmante carte laissée sur l’escalier menant à sa porte. «Un gros merci à vous qui cultivez ce très joli jardin qui égaie mes promenades chaque été. J’affectionne particulièrement les petites fleurs roses au coin en dehors de la clôture. Merci. Une voisine.»

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