Les fraudes à l’héritage prennent une ampleur considérable. En faisant croire à leurs victimes qu’ils pourront recevoir une grosse somme d’argent, les fraudeurs cherchent à les dépouiller. Face à ces arnaques sophistiquées, la meilleure défense est la méfiance.
Renée (prénom fictif) avait sympathisé avec un inconnu sur Internet. Il parlait à l’aînée d’un héritage important, qu’il allait recevoir et partager avec elle. Mais vite, les ennuis sont arrivés, et à chaque ennui, Renée devait envoyer de l’argent pour tirer l’inconnu auquel elle s’était attachée d’un mauvais pas comme la maladie, l’achat d’une webcam, des frais administratifs, des problèmes avec les douanes, etc. L’inconnu lui semblait de plus en plus familier, même si elle ne l’avait jamais rencontré en personne, elle continuait donc de lui envoyer de l’argent pour débloquer le prétendu héritage.
Et plus Renée payait, plus elle niait l’emprise psychologique et sentimentale que l’inconnu avait sur elle. Il l’isolait de plus en plus de son entourage. Quand elle s’est rendue compte qu’elle avait été escroquée, Renée avait déjà perdu 400 000 $.
Douter et vérifier d’abord
Chaque année, des dizaines de milliers de Canadiens reçoivent une lettre, un appel téléphonique ou un courriel pour les inviter à débloquer un soi-disant héritage, à condition d’envoyer de l’argent, indique le Centre Antifraude du Canada (CAC). Les pertes engendrées s’élèvent à environ 30 millions de dollars selon des chiffres de la Gendarmerie royale du Canada (GRC).
Parfois intégrée dans une fraude amoureuse, comme dans le cas de Renée, l’arnaque vise à faire payer la victime autant que possible, même si les premiers montants demandés par le fraudeur paraissent peu élevés. Il pourra même aller jusqu’à promettre qu’on récupère notre argent… à condition d’en envoyer encore un peu plus.
Pour cela, l’escroc fait rêver sa victime: il lui parle de l’héritage d’un parent éloigné, voire même d’un inconnu. Pour le recevoir, il suffirait de payer des frais. Et de nouveaux frais apparaissent au fur et à mesure de la prétendue procédure d’héritage. Les fraudeurs poussent loin la fraude: certains utilisent les noms et adresses de vrais notaires du Québec pour créer l’illusion.
Comment reconnaître alors le fraudeur? Dans la réalité, au Québec, c’est souvent le liquidateur de la succession qui contacte les héritiers et non le notaire. Si un notaire nous contacte pour un héritage, on appelle la Chambre des notaires du Québec (CNQ) pour vérifier que ce notaire existe bien, mais aussi pour vérifier si le procédé est suspect. Il est important d’appeler le notaire pour valider la légitimité de l’héritage en utilisant les coordonnées qui figurent sur le site de la CNQ, plutôt que des coordonnées qu’un fraudeur aurait pu modifier. Et si la lettre du prétendu notaire contient des fautes d’orthographe, on redouble de méfiance!
En vertu des lois québécoises, il est possible d’hériter jusqu’au 8e degré de filiation, mais tous les membres de la famille entre nous et le défunt doivent avoir signé un acte de renonciation chez un notaire ou être décédés pour ce faire. Pour illustrer ceci, prenons l’exemple d’un héritage d’un lointain parent du côté paternel. Si notre père est encore vivant et qu’il n’a pas renoncé à la succession, il est impossible qu’on en soit un héritier, car légalement il a priorité. Soyons vigilant, consultez le RDPRM pour voir si plusieurs actes de renonciation ont été publiés dans le cadre de cette succession.
Payer pour hériter? Jamais!
On n’a pas à débourser d’argent pour recevoir un héritage. Les taxes et autres frais sont habituellement payés par la succession, avant la remise du legs aux héritiers. Si on nous demande d’envoyer de l’argent, on présente les documents potentiellement frauduleux à un vrai notaire identifié sur le registre de la CNQ.
Tenté d’envoyer de l’argent à quelqu’un qu’on n’a jamais rencontré? On commence par en parler autour de nous. La première arme des fraudeurs est de faire croire que le silence est indispensable. Mais si le procédé est honnête, ce silence est inutile et la honte, vaine.
Plusieurs ressources sont disponibles pour nous aider à vérifier nos doutes. En plus de faire des vérifications auprès de la Chambre des notaires du Québec, joignable au 1‑800‑NOTAIRE gratuitement, on signale chaque cas douteux à la police et au Centre antifraude du Canada au 1-888-495-8501 ou sur antifraudcentre-centreantifraude.ca.
Si on a déjà payé, on signale aussi la fraude auprès de l’institution financière qui a expédié l’argent. Mais une chose est sûre: on ne reverra probablement jamais la couleur de cet argent.
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