La fille de Janette vit à Paris. Alors, bon an mal an, elle prend l’avion pour la visiter. «Je suis en sueur avant même d’embarquer, raconte-t-elle. Pendant le vol, je refuse de me détacher et je m’agrippe aux accoudoirs. Je suis à l’affût de la moindre turbulence. J’arrive à destination complètement épuisée. Et l’idée du retour gâche mon séjour…»
Une peur fréquente
Avoir peur en avion est plus répandu qu’on ne le croit. On estime que 1 personne sur 10 est aux prises avec une phobie qui l’empêche de prendre l’avion et qu’au moins 4 passagers sur 10 ressentent une anxiété plus ou moins sévère pendant le vol.
«Bien que dérangeante, la peur constitue une réaction naturelle et vitale, car elle nous empêche de mettre notre vie en danger en mobilisant notre système de défense face à une situation nouvelle ou un possible danger», explique Andrée Letarte, psychologue au département des troubles anxieux et de l’humeur à l’hôpital Louis-H. Lafontaine et co-auteure de La peur d’avoir peur (Éditions Stanké). Si l’on n’avait pas peur, on mettrait notre vie en danger. Il est donc normal d’avoir peur la première fois que l’on prend l’avion, car on se retrouve dans un environnement en mouvement où l’on vit des sensations nouvelles, ce qui est déstabilisant. Mais si, après plusieurs vols, la peur ne diminue pas, ce n’est plus normal. Il faut chercher la cause pour la surmonter.
«Il ne faut cependant pas confondre peur et phobie, poursuit Andrée Letarte. La phobie est une peur intense, persistante, excessive, irrationnelle face à quelque chose d’objectivement non dangereux. À moins d’un événement exceptionnel – la mort d’un proche par exemple –, les phobiques vont éviter ce mode de transport, alors que les personnes ayant seulement peur vont prendre l’avion même si c’est pénible. La peur est plus facile à contrôler que la phobie.»
La peur de l’avion – Dédramatiser
Dédramatiser
George Wright est thérapeute. En compagnie du commandant Robert Piché, connu pour son atterrissage héroïque aux Açores en 2001, et de la thérapeute Florence Béliard, il donne des séminaires de deux jours, à Québec et à Montréal, pour aider les gens à vaincre leur peur de l’avion.
«Le premier jour, on aborde le côté rationnel – issu du cerveau gauche – de la peur en avion. Comprendre comment un avion vole et connaître les mesures de sécurité prises par les compagnies aériennes est rassurant», explique George Wright. Ce volet technique est confié au commandant Piché qui explique les principes d’aviation: météorologie, rudiments du pilotage, exigences de l’emploi, sécurité, contrôle et trafic aérien, construction et entretien des avions, etc.
Mais quand, à la fin de la journée, on demande aux participants s’ils seraient prêts à prendre l’avion, la plupart répondent… non! C’est que la peur irrationnelle est logée dans le cerveau droit. «C’est là que Florence et moi entrons en jeu pour expliquer l’aspect psychologique de la peur et amener les gens à découvrir les événements à l’origine de la leur. Parce que la majorité des gens ne craignent pas l’avion, mais plutôt ce qu’il représente pour eux», poursuit George Wright.
Le cerveau réagit à quatre niveaux de danger
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Le danger réel est celui vécu quand on fait face à un ours par exemple.
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Le danger imaginaire survient, notamment, quand on entend un chien japper et qu’on l’imagine très méchant.
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Le danger virtuel se présente sous la forme d’un cauchemar.
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Enfin, le danger symbolique est l’interprétation que l’on fait d’une situation en fonction de notre vécu.
«Le problème, c’est que, face à une situation, le cerveau ne se demande pas à quel niveau est le danger, raconte George Wright. Pour lui, tout est réel. Il réagit en fonction du niveau de stress ressenti. Bref, même si en avion le danger est symbolique, il envoie un signal d’alarme comme s’il était réel.
La peur de l’avion – Écrasement et Turbulence
D’une peur à l’autre
En avion, l’objet de la peur varie d’une personne à l’autre: peur du décollage, de l’atterrissage, des turbulences, de manquer d’air, de l’écrasement… Pour atténuer ces peurs, voici des informations utiles.
Écrasement
D’accord, prendre l’avion n’est pas dépourvu de tout danger. Et un avion qui s’écrase, c’est impressionnant. Il faut toutefois admettre que les possibilités d’un écrasement sont infimes. «L’avion est le moyen de transport le plus sécuritaire du monde, assure Andrée Letarte. Sur les millions de vols aériens faits chaque année, on compte très peu d’accidents, alors que des centaines de gens se tuent chaque jour en auto. On risque bien plus de mourir en voiture qu’en avion. Et si l’on était logique, on aurait davantage peur de voyager en auto qu’en avion. Mais parce que l’on prend la voiture régulièrement, on s’y est habitué. On ne dit pas en embarquant: ‘‘Les risques que je meure sont grands.’’ Donc, avant et pendant un vol, au lieu de se dire: ‘‘Tout à coup l’avion s’écrase’’, on répète ce discours intérieur basé sur une information réelle: ‘‘J’ai un peu peur parce que je ne suis pas habituée en avion, mais c’est normal. J’ai la chance d’utiliser le transport le plus sécuritaire du monde. Je suis en sécurité. Ce serait bien pire, si je prenais la voiture.’’ Autre geste rassurant: observer l’équipage et les passagers qui sont sereins. On s’attarde également sur les éléments plaisants du voyage.»
Turbulence
«Pour dédramatiser les turbulences, je fais souvent le parallèle avec le bateau, raconte Andrée Letarte. Sur l’eau, il ne vogue pas toujours de façon plane. Il se déplace au gré des vagues créées par les courants et les vents. Mais ce n’est pas parce qu’il bouge qu’il va couler! C’est le même phénomène en avion. Il ne vole pas dans le vide, mais dans l’air. À l’instar de l’eau, l’air se déplace et fait bouger l’avion. Mais ce n’est pas dangereux.»
La peur de l’avion – Décollage et atterrissage
Selon le commandant Robert Piché, il y a aussi lieu de démystifier la fameuse «poche d’air». «La terre est entièrement entourée d’air. Par conséquent, il ne peut y avoir de poche d’air. Il s’agit d’un terme utilisé par les voyageurs pour tenter d’expliquer ce qui se passe quand l’avion traverse une zone de turbulences, un phénomène météorologique normal. Pour mieux comprendre, disons simplement que la masse d’air entourant la terre se divise en deux masses: tropicale (air chaud) et polaire (air froid). La rotation de la terre déplace ces masses et, lorsqu’elles se croisent, ça crée des remous. Quand un avion traverse cet air instable, il suit le courant. La turbulence sévère est cependant rare. En 40 ans de métier, je n’ai vécu que deux épisodes de turbulences intenses et, chaque fois, l’avion s’est très bien comporté. Les avions sont conçus pour résister à de fortes turbulences.»
Étant donné que l’air est invisible, une turbulence peut toutefois survenir quand on ne s’y attend pas. Mais les pilotes sont généralement bien informés par les contrôleurs aériens et les autres pilotes, ce qui leur permet de les contourner ou de traverser les zones moins agitées.
Décollage et atterrissage
Ces manœuvres exigent effectivement une plus grande vigilance de la part des pilotes. «Il faut toutefois savoir qu’ils sont continuellement en contact avec les contrôleurs aériens, ce qui minimise les risques, rappelle Andrée Letarte. De plus, ils décollent et atterrissent plusieurs fois par semaine et connaissent parfaitement les manœuvres ! Décoller et atterrir, pour eux, c’est comme partir et arrêter l’auto pour nous… Sans compter qu’ils tiennent aussi à la vie !»
D’autres personnes n’aiment pas les sensations physiques associées au décollage et à l’atterrissage. Parce qu’on ne peut y échapper, mieux vaut les accepter en se disant: «Elles sont un désagrément du voyage en avion, mais c’est normal. Quand l’avion aura atteint sa vitesse de croisière dans quelques minutes, je ne les sentirai plus.» La peur vient parfois aussi du fait que l’avion est le seul moyen de transport à quitter le sol. «La terre, c’est la maison et, symboliquement, la mère, soutient George Wright. On vit donc un détachement au moment du décollage. Il y a une rupture symbolique.»
La peur de l’avion – Ressources
Une autre peur: manquer d’air
«Les gens qui éprouvent cette peur sont habituellement claustrophobes, affirme Andrée Letarte. Cette phobie doit être traitée d’une façon globale. Par contre, il peut arriver que des personnes non claustrophobes aient l’impression de manquer d’air en avion en raison de leur anxiété. Elles respirent mal et font de l’hyperventilation.
Même s’il n’y a aucun risque de manquer d’air en avion, c’est très inconfortable. Pour diminuer l’angoisse, on change son discours intérieur en répétant: ‘‘Plus je suis anxieuse, plus je respire mal. Personne ne s’est étouffé par manque d’air en avion. Je vais donc gérer ma respiration.’’ On réalisera que, finalement, on n’étouffe pas et qu’il ne nous arrive rien de grave.» Au contraire, c’est le début d’une belle aventure!
Des ressources
Groupe Confor, formations et conférences www.confor.ca
Traitement des phobies sur référence du médecin: module de thérapie behavioriste, hôpital Louis-H. Lafontaine, Montréal, tél.: 514 251-4000
Centre universitaire de santé McGill, tél.: 514 934-1934
Sans référence: bureaux privés de psychologues.
Mise à jour: août 2010