Soulager l’arthrose

Soulager l’arthrose

Par Guy Sabourin

Crédit photo: iStockphoto.com

Les médicaments traditionnels

Les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS), comme l’ibuprofène, l’acide acétylsalicylique, le kétoprofène et le naproxène, sont à la base des traitements antidouleur. Il vaut mieux en prendre le moins longtemps possible, pour soulager la douleur quand elle est trop intense. «Pris sur une base régulière, ils peuvent occasionner des ulcérations très sournoises à l’estomac, augmenter la tension artérielle, nuire aux reins et éclaircir le sang», prévient la pharmacienne Gehane Mikhaïl. 

Le rhumatologue Bernard Bissonnette, de l’Hôpital du Sacré-Cœur de Montréal, soigne les personnes souffrant d’arthrose et atteintes d’une maladie cardiaque ou d’hypertension. Il redouble de prudence quand elles prennent des AINS. «Chez des patients qui en prennent tous les jours, nous adjoignons des protecteurs d’estomac», précise-t-il.

Après les AINS, place aux coxibs (anti-inflammatoires non stéroïdiens inhibiteurs sélectifs de la Cox-2), sous ordonnance, qui existent depuis une dizaine d’années. Deux ont été retirés du marché (Vioxx et Bextra) en raison des risques importants pour la santé. Il faut aussi en modérer l’usage et discuter avec le médecin des avantages par rapport aux risques. 

La douleur de l’arthrose n’est pas toujours de nature inflammatoire. Dans ce cas, l’acétaminophène peut être indiqué: il soulage la douleur, mais pas l’inflammation. S’il agit avec un peu moins d’efficacité que les AINS, «il est cependant beaucoup plus sécuritaire pour l’estomac, le cœur et la tension artérielle. De plus, il n’interagit pas avec les autres médicaments», précise le Dr Bissonnette.

Les anti-inflammatoires se présentent aussi sous forme topique (gel, onguent, pulvérisateur), à efficacité variable selon l’intensité de la douleur. Des injections de cortisone dans l’articulation soulageront pendant trois à six mois, sauf que cela peut aussi contribuer à déminéraliser les os. Enfin, un gel injecté (viscosuppléance) pourra lubrifier le cartilage et soulager la douleur de l’arthrose du genou. Malgré leur indéniable commodité, les médicaments restent imparfaits, en raison surtout de leurs effets secondaires. C’est pourquoi plusieurs personnes regardent du côté des produits naturels.

Arthose et produits naturels

Les produits naturels

Plusieurs produits naturels ont la réputation de calmer la douleur. En voici quelques-uns jouissant d’une certaine notoriété. Selon le pharmacien Jean- Yves Dionne, qui a fait de ces produits une spécialité et qui transmet ses connaissances aux étudiants en pharmacie de l’Université de Montréal, on utilise ces préparations en complément aux médicaments ordinaires. Il arrive même qu’ils puissent soulager la douleur à eux seuls, surtout en début de maladie. 

Les huiles de poisson peuvent soulager toute forme d’inflammation. Sources d’acides gras oméga 3, elles contiennent un acide dit EPA, qui agit directement sur l’enflure. Elles donnent parfois mauvaise haleine et entraînent des rots, si bien que certains stoppent le traitement. Il faut prendre de 2,6 à 6 g d’oméga 3 par jour, en commençant par une petite dose. 

L’organisme fabrique naturellement de la glucosamine, mais moins en vieillissant. La glucosamine améliorerait la qualité du liquide synovial, ce lubrifiant des articulations, et pourrait même aider à rebâtir le cartilage détérioré en stimulant la formation de plusieurs tissus réparateurs. En prendre sous forme de supplément 500 mg par jour a fait ses preuves pour soulager les douleurs de l’arthrose légère à modérée au bout d’environ 6 semaines de traitement. «Les techniques radiologiques très sophistiquées d’aujourd’hui montrent que la glucosamine semble ralentir un peu la progression de l’arthrose», note Bernard Bissonnette. 

La chondroïtine, en plus d’avoir un effet semblable à celui de la glucosamine, diminuerait l’action de l’enzyme qui dégrade le cartilage. C’est pourquoi les produits naturels sur le marché combinent souvent glucosamine et chondroïtine, qui ne sont pas des anti-inflammatoires, précisons-le. Il faut 400 mg par jour de chondroïtine, prise en 2 ou 3 fois en mangeant, comme la glucosamine. Ces deux produits ont été beaucoup étudiés. Des patients de Gehane Mikhaïl aussi bien que de Bernard Bissonnette disent obtenir de bons résultats avec ces produits. «Attention si vous prenez un anticoagulant, qui interagit avec la glucosamine et la chondroïtine», prévient Gehane Mikhaïl. Option consommateurs recommande la glucosamine qui ne contient ni sel ni soufre. 

La racine de griffe du diable soulage l’inflammation, avec un effet semblable à celui des anti-inflammatoires en vente libre. Elle a l’avantage d’être mieux tolérée. La dose va de 600 à 1200 mg par jour, en prises séparées, idéalement en mangeant pour éviter les irritations gastriques. Certains ont souffert temporairement de diarrhée, nausées et douleur à l’abdomen avec ce produit. Il existe une interaction théorique avec les médicaments cardiaques et réelle avec les anticoagulants. Il se peut aussi que la plante réduise le taux de glucose sanguin; avis, donc, aux diabétiques. La griffe du diable a reçu l’aval de la Commission E, une institution allemande très sérieuse en matière de produits naturels, et de l’ESCOP (European Scientific Cooperative on Phytotherapy), une autre institution crédible. 

Arthrose et produits naturels (suite)

La résine de boswellia agit également comme anti-inflammatoire et analgésique contre la douleur. Il faut en prendre de 300 à 400 mg par jour en mangeant. Il peut arriver que des effets secondaires de la résine ressemblent à ceux de l’ibuprofène en vente libre: irritation de l’estomac, brûlures, perte d’appétit.   

La griffe de chat aurait des propriétés antioxydantes puissantes (les antioxydants protègent jusqu’à un certain point contre la détérioration des cartilages, une partie des dommages étant attribuables aux radicaux libres) et anti-inflammatoires significatives. Cette herbe, qui occasionne parfois diarrhée ou constipation, est contre-indiquée chez les greffés et les immunosupprimés. Le pharmacien Jean-Yves Dionne invite à bien identifier les produits en raison, souvent, de dosages insuffisants. Une bonne préparation fournit de 20 à 60 mg d’extraits standardisés à 1,3% d’alcaloïdes oxindoles pentacycliques par jour.   

Le curcuma est aussi un puissant antioxydant, 50 fois supérieur à la vitamine E, doublé d’un anti-inflammatoire utile en cas d’arthrite. Comme anti-inflammatoire, il faut en prendre 500 mg (95% curcuminoïdes) 3 fois par jour, ou de 75 à 150 mg par jour comme antioxydant. «Sauf que les produits contenant ces doses sont rares», déplore Jean-Yves Dionne.   

Le piment de Cayenne contient un ingrédient actif, la capsaïcine. Vendue sous forme de crème ou de pommade à appliquer sur la région douloureuse, la capsaïcine réduit la substance P dans les nerfs, si bien que les neurones ne perçoivent plus la douleur. Son effet a été testé avec succès contre les douleurs de l’arthrite et de l’arthrose. Il se peut que le soulagement ne se fasse sentir qu’après plusieurs jours d’application, le temps d’assaillir efficacement la substance P. Seule contre-indication: on ne l’utilise pas sur une lésion de la peau parce que ça brûle vraiment. La crème produit une chaleur qui accentue parfois la douleur, au début seulement, chez certains individus.   

Le gel d’arnica, aussi offert en onguent, outre soulager toutes sortes de bobos sur la peau, apaise aussi la douleur des articulations. La préparation doit contenir de 20% à 25% de teinture ou encore 15% d’huile d’arnica. Il faut l’appliquer plusieurs fois par jour sur la région douloureuse, en évitant d’en mettre sur une plaie. L’arnica a été peu étudiée, mais n’empêche que la Commission E et l’ESCOP approuvent son usage pour les douleurs articulaires et l’inflammation.   

Le gingembre, l’ortie, l’arbre liège de Chine, l’écorce de saule et le camphre pourraient aussi  soulager, selon la pharmacienne Jeannie Collins Beaudin, qui proposait il y a quelques années des solutions de rechange aux pharmaciens contre la douleur de l’arthrose. Selon elle, des enzymes comme la broméline, la papaïne, la trypsine et la rutine seraient aussi douées de vertus anti-inflammatoires.

Arthrose: appareils antidouleur et orthèses

Les appareils antidouleur

Quelques appareils pourront soulager la douleur des articulations, par exemple le TENS (neurostimulateur électrique transcutané), beaucoup utilisé par les cliniques de physiothérapie, qui enlève aussi la rigidité. Un courant électrique, transmis aux nerfs de la région douloureuse à l’aide de petites électrodes posées sur la peau, neutralise les signaux de la douleur. L’effet analgésique varie beaucoup d’une personne à l’autre. L’appareil existe aussi en version portative, fonctionnant à piles, que l’on peut utiliser chez soi.

Dans le même ordre d’idées, la thérapie par signal pulsatile (PST), que l’on nomme aussi par champ magnétique pulsé, utilise des basses fréquences pour soulager la douleur de l’articulation en stimulant les cellules cartilagineuses. De façon imagée, on peut dire que le champ électromagnétique communique avec les cellules de l’articulation par des vibrations. Il faut entreprendre une série de 9 à 12 rencontres de 1 heure chacune, le tout à l’intérieur de 3 semaines. C’est la répétition du traitement – sans douleur – qui finit par donner un résultat. «Dans 70% des cas, la douleur disparaît de façon durable. Pour les autres, les effets varient en intensité», soutient la responsable de la clinique Val-des-Arbres, à Laval, qui possède un tel appareil.

Et les orthèses ?

Dr Scholl’s a lancé une nouvelle orthèse avec système d’alignement Step Guide dans le but de corriger l’alignement des pieds et des jambes pour améliorer la démarche. L’orthèse stabiliserait les articulations du pied et du genou, les empêchant de forcer. Le fabricant prétend que cette semelle soulage par le fait même la douleur arthritique des genoux et des pieds parce qu’elle absorbe les chocs et réduit la tension là où ça fait mal. Le fait qu’une orthèse puisse soulager la douleur aux genoux – que cette douleur provienne de l’arthrose ou d’une autre source – est tout à fait plausible. «Mais on ne peut pas penser qu’une orthèse universelle conviendra à tout le monde, surtout quand on connaît l’infinité de variations personnelles des orthèses faites sur mesure», précise l’omnipraticien Robert Pontbriand, qui se spécialise dans les problèmes musculo-squelettiques. Cela dit, tous ne peuvent se payer une orthèse sur mesure à 450$. «C’est pourquoi j’invite souvent les gens à faire l’essai d’un support commercial, beaucoup moins cher, ajoute l’omnipraticien, en leur précisant que c’est de l’essai-erreur. Si ça fonctionne, tant mieux. Sinon, on aura au moins été prévenu.» 

Avis d’une naturopathe et mises en garde

L’avis d’une naturopathe

Selon la naturopathe Élodie Kulesza, il faut un certain temps avant de trouver le bon produit ou la bonne combinaison. Et un certain temps avant que le produit agisse. «Une consultation avec un naturopathe peut aider à mieux cibler», dit-elle. Elle ajoute que les personnes souffrant d’arthrose ont souvent une certaine dose d’acidité dans les tissus, ce qui n’aide pas. «Il faut alors alcaliniser, avec des minéraux, de la chlorophylle ou à l’aide de l’un des nombreux mélanges verts qu’il y a sur le marché.» 

Ce qui fonctionne le mieux, selon son expérience? «Les gens disent que le boswellia, le curcuma et les oméga-3 soulagent efficacement leurs douleurs. La glucosamine combinée à la chondroïtine soulage aussi bien que les anti-inflammatoires, sauf que l’effet cesse dès qu’on arrête d’en prendre.» Élodie Kulesza ajoute que les produits à base de collagène (comme le Genacol, collagène pur à 100%) ou les précurseurs du collagène, comme la silice, sont aussi très efficaces, et qu’il faut les prendre en petites quantités au début. Enfin, inutile de soigner en permanence. Comme le rappelle le rhumatologue Bernard Bissonnnette, l’arthrose est faite de périodes douloureuses puis d’accalmies. «Je suggère d’arrêter par exemple une semaine par mois, ou encore durant un mois au bout de trois mois de traitement», conclut Élodie Kulesza.   

Produits naturels: mises en garde

Jean-Yves Dionne recommande d’éviter les mélanges exagérés, une nouvelle mode dans les produits naturels. «Il y a une limite à tout mêler, croit-il. Vaut mieux un produit unique, ou encore un mélange de quelques ingrédients sûrs à la dose recommandée, qu’une réunion de toutes les plantes anti-inflammatoires à dose microscopique.» «Évitez de vous faire rouler», ajoute le Dr Bernard Bissonnette. La douleur pousse souvent à dépenser sans réfléchir. Elle est aussi un marché lucratif pour des fabricants peu consciencieux. Selon le médecin, des mesures simples comme perdre du poids, utiliser une canne correctement ou encore un anti-inflammatoire topique donnent aussi de bons résultats. «Quand il n’y a plus de cartilage, rien ne soulagera, ajoute-t-il. Il faut alors penser à la chirurgie.»

Interactions produits naturels et médicaments

Vous prenez des produits naturels? Mentionnez-le à votre pharmacien, qui pourra vérifier s’il y a interaction ou non avec les autres médicaments que vous pourriez consommer. Car, il faut le dire, on découvre de plus en plus d’interactions entre produits pharmaceutiques et produits naturels, ce qui rend ces derniers moins inoffensifs qu’on le croyait. 

Mise à jour: septembre 2010

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