L’argent n’est pas la seule raison qui incite les boomers à se remettre au boulot: 67% des personnes interrogées par la banque considèrent le travail comme un moyen de demeurer socialement actif.
Moins d’un an après avoir tiré sa révérence au marché de l’emploi, Gaëtan Faucher a accepté de remplir des contrats pour d’ex-clients. «C’était un défi en continuité avec mon ancien travail que j’aimais, une bonne façon de faire la transition», dit cet ex-cadre supérieur du secteur parapublic, spécialisé en gestion de l’organisation scolaire.
Pour M. Faucher, cette transition était (et est encore) assortie d’une exigence: pas question de faire du 9 à 5 du lundi au vendredi. Il doit pouvoir planifier son horaire à sa guise. Les contrats qu’on lui a offerts respectaient cette condition. Affaire conclue.
Retourner au travail à temps partiel
Ce refus de retomber dans la routine quotidienne a été mentionné plusieurs fois par nos interlocuteurs. «Beaucoup de retraités qui retournent sur le marché du travail recherchent des postes à temps partiel», note Lucie Dubé, coordonnatrice de l’Association Midi- Quarante, un service spécialisé en transition et en gestion de carrière pour les personnes de 45 ans et plus. Aux privilèges de la retraite, ils veulent ajouter les avantages les plus attrayants du travail: la possibilité de tisser des liens sociaux et de toucher des revenus d’appoint. Juste assez, pas trop. Voilà pourquoi le temps partiel et les postes temporaires les attirent.
De plus en plus d’entreprises, petites et grandes, comprennent ce message. Elles revoient leur façon de faire afin d’intégrer cette main-d’oeuvre expérimentée, loyale et disciplinée. La Ferme Bédard et Blouin est un bon exemple. Ouvert d’avril à octobre, cette jardinerie de Beauport connaît son pic d’activité en mai et en juin. «Les retraités sont intéressés à venir travailler ici. Ce sont des passionnés du jardinage. Ils adorent l’ambiance, le contact avec les clients et le fait que, après deux mois intenses, ils seront libres pour le reste de l’été», dit Sarah Bédard, gérante et responsable du marketing.
À la chaîne de quincailleries Rona, 95% des postes sont à temps partiel. Depuis l’an 2000, Rona favorise l’embauche de personnes de 50 ans et plus, reconnues pour leur assiduité au travail et leur souci de bien servir les clients. «En 2000, les 50 ans et plus représentaient 8% de notre effectif. En 2011, c’était 31%. On a des employés qui ont plus de 75 ans!» dit Chantal Gilbert, conseillère en acquisition de talents, personnes et culture, chez Rona.
Retourner au travail à temps plein
Si les joies du temps partiel comblent beaucoup de retraités, il reste que ces emplois sont souvent confinés dans la vente au détail, le tourisme et la restauration, des domaines où la rémunération n’est généralement pas très élevée.
Au contraire, le temps plein est la norme dans le secteur manufacturier. «Un entrepreneur qui a trois employés à temps partiel travaillant le même nombre d’heures qu’un employé à temps plein devra émettre trois chèques de paie plutôt qu’un seul. Il devra également coordonner trois horaires de travail et trois calendriers de vacances. Ça demande plus de temps et de gestion», dit Martine Hébert, vice-présidente de la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante pour le Québec.
D’accord avec ce constat, Mme Dubé ajoute que les retraités qui cherchent du boulot dans le secteur manufacturier devront livrer concurrence aux jeunes. «Ils vont prendre ce qu’il peuvent trouver. S’ils ont une expérience pertinente, ils auront la cote.» Mme Hébert signale que le gouvernement du Québec encourage la rétention et l’embauche des travailleurs aînés. «Dans son dernier budget, l’ex-ministre Raymond Bachand a réduit les cotisations au Fonds des services de santé pour les entreprises qui engagent des personnes de 65 ans ou plus, rappelle-t-elle. Les travailleurs d’expérience, eux, ont droit à un crédit d’impôt particulier. Ce genre de mesures est intéressant pour les deux parties.»
Savoir offrir ses services
Du travail à temps plein, c’est ce que recherche Robert Morin. Spécialiste en assurance et en placement, il ne retourne pas sur le marché de l’emploi parce que la retraite l’ennuyait. Un revers de fortune l’a récemment forcé à déclarer faillite. L’argent est donc une nécessité pour cet homme de 68 ans. «Après 40 ans à mon compte, ce n’est pas facile d’offrir mes services à quelqu’un d’autre», dit-il.
En raison de sa faillite, les portes du domaine financier lui sont pratiquement fermées. Il explore du côté du marketing, de la vente et de la formation de personnel. «J’ai passé quatre entrevues la semaine dernière. Il faut persévérer.»
Bien qu’il ait passé l’âge traditionnel de la retraite, M. Morin ne sent pas que cela joue contre lui dans ses démarches d’emploi ou ses entrevues d’embauche. Quand même, les recruteurs le questionnent sur ses objectifs de carrière. C’est une façon habile de lui demander pendant combien de temps il prévoit demeurer au sein de l’entreprise. «Tant et aussi longtemps que la santé va me le permettre, je vais rester», leur répond-il.
Est-ce une bonne réponse? «Oui. Et afin que tout soit clair, il devrait préciser le nombre d’années qu’il souhaite passer chez cet employeur, d’abord à temps plein, puis à temps partiel si c’est son choix», dit Florent Francoeur, président-directeur général de l’Ordre des conseillers en ressources humaines agréés.
Si une entreprise convoque une personne de plus de 50 ans en entrevue, c’est que sa candidature l’intéresse. À l’évidence, elle a besoin de quelqu’un d’expérimenté. Mais pour convaincre l’employeur potentiel qu’il est la perle rare, le candidat doit être capable de faire face à certaines réalités. Par exemple, il ne doit pas s’attendre à retrouver les avantages sociaux qu’il avait au moment de prendre sa retraite. «Il faut accepter de faire partie d’une nouvelle organisation et de s’adapter à une nouvelle culture», observe M. Francoeur.
Retourner au travail en changeant de cap
Marielle Daneault recherchait justement cela, une nouvelle culture. Secrétaire administrative pendant 28 ans, elle a été poussée à la retraite lorsque son employeur a cessé ses activités. «Ma rente me permet de joindre les deux bouts. Toutefois, pour me gâter un peu, il me faut un revenu supplémentaire», dit cette femme de 58 ans. Elle aurait pu trouver du travail dans son secteur, mais elle a préféré changer de cap. Son rêve? Conduire des autobus scolaires! «J’y songeais depuis que j’étais ado», confie-t-elle.
Elle a suivi la formation obligatoire et réussi les examens de la SAAQ. Ses papiers en règle, elle a déniché un emploi dans la région de Laval. C’est agréable de piloter ces gros engins, Mme Daneault? «Oui. C’est de la belle mécanique. Puis j’aime les enfants, même turbulents. Je crois que mon travail est utile à la société.» Pas trop exigeant, l’horaire? «Je suis libre entre Noël et le jour de l’An, et presque tout l’été», énumère-t-elle avec enthousiasme.
À l’instar du refus de la routine, le sentiment d’utilité a souvent été invoqué par nos intervenants. Pour M. Faucher, exécuter des contrats occasionnels lui donne «l’impression d’apporter quelque chose d’intéressant au milieu». Comme bien des baby-boomers, son retour sur le marché du travail n’est pas lié à l’argent. «On me propose des défis stimulants. J’aime ça.»
Retour au travail, retour des cotisations
Vous retournez au travail une fois que vous êtes à la retraite? Que vous soyez à temps plein, à temps partiel ou à contrat, vous devrez fort probablement cotiser de nouveau à divers organismes.
Régime de rentes du Québec (RRQ).
Vous continuerez de recevoir votre rente de retraite du RRQ. Vous pouvez faire annuler votre demande de rente de retraite, mais vous avez six mois après le premier versement pour le faire. Après, c’est trop tard. Dès que vos revenus de travail dépasseront 3 500$, vous serez tenu de cotiser au RRQ, quel que soit votre âge.
Régimes privés de retraite.
Votre retour sur le marché du travail ne devrait pas affecter le versement de la rente de retraite que vous recevez d’un employeur. Toutefois, il est possible qu’elle soit suspendue si vous recommencez à travailler pour ce même employeur et que vous participez de nouveau au régime de retraite.
CRI ou FRV.
Si vous avez un compte de retraite immobilisé (CRI), votre retour au travail n’aura aucun effet sur celui-ci. Quant aux fonds de revenu viager (FRV), ils continueront de vous verser les montants prévus. Si vous ne voulez plus recevoir d’argent de votre FRV, vous pouvez transformer celui-ci en un CRI dans la mesure où vous avez moins de 71 ans, et sous réserve de l’échéance des placements.
Et l’impôt?
Votre rémunération s’ajoutera à vos rentes de retraite et vous serez imposé sur l’ensemble de vos revenus. Vous recommencerez à cotiser à l’assurance-emploi, au Fonds des services de santé, au Régime québécois d’assurance parentale et, s’il y a lieu, au Régime d’assurance médicaments du Québec.
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